Gaston Lagaffe


Une communication de Fantasio :

Nos lecteurs n'auront pas été sans remarquer, depuis quelques semaines, la présence dans les pages de Spirou d'un personnage apparemment inactif et qui s'affaire aux besognes les plus diverses avec une malchance particulière. On l'a vu garçon de bureau, et il est parvenu en l'espace d'une journée à accumuler les bévues les plus impardonnables. On l'a vu coursier, et il a profité, aux dépens de l'unique bicyclette de la rédaction, d'une sorte de cours de vol à voile sans voile, qui lui a fait de vilaines écorchures aux genoux et (ce qui est plus grave) plus de vélo chez nous.

Ce jeune homme, qui répond -parfois- au nom de Gaston, constitue pour la rédaction tout entière un problème quasi insoluble.

D'une interview réalisée par notre ami Spirou, il ressort que Gaston a été engagé au journal. Par qui ? Il nous a été impossible de l'apprendre. Nos questions les plus précises n'ont rencontré qu'un mur d'indifférence : "Je ne sais plus... Un type... Il m'a demandé si je voulais travailler à Spirou... J'ai répondu oui... Il m'a dit de venir le lendemain..." C'est tout ce que nous sommes parvenus à en tirer. Par contre, notre bonhomme n'a aucun doute sur l'emploi auquel il est destiné. Il est persuadé qu'on l'a engagé comme héros du journal.

Or, et c'est là ce qui nous chiffonne, nous n'avons pas de place pour lui dans les séries existantes. Pour ma part, je ne le vois pas au côté de Buck Danny ou de Valhardi. Impossible de le caser dans les Histoires de l'Oncle Paul... C'est bien simple : il est impossible, dans l'état actuel de la situation, de le placer où que ce soit, Le métier de héros ne s'acquiert pas en un jour...

Il en résulte que Gaston est provisoirement sans travail. Nous lui confions de temps à autre quelques petites besognes : timbres à coller, corbeilles à vider... Cela ne lui plaît guère. Il se juge taillé pour vivre des aventures en images.

De sorte que SPIROU EST LE SEUL JOURNAL AU MONDE QUI POSSEDE UN HEROS EN TROP ! Nous avons parmi nous un héros sans emploi ! Que devons-nous en faire ? Que pouvons-nous lui confier ? Il nous semble injuste, après qu'il ait été engagé, de le congédier ainsi sans même lui donner la possibilité de nous montrer ce dont il est capable... Alors, nous vous le demandons, à vous tous qui lisez le journal : que devons-nous faire de Gaston, le Héros-sans-Emploi ? Quelle fonction pouvons-nous lui donner ? Répondez-nous vite... avant qu'il ne commette encore quelques sottises !

Fantasio.

C'est ainsi qu'on a vu apparaître Gaston dans les premières pages du journal. Sans un mot d'explication, sans titre, rien.


Une des célèbres inventions de Gaston :

Le Gastomobile





Et les trois semaines qui ont suivi, toujours pas un mot à son sujet. Un cadre fait de traces de pas bleues, et nos deux compères Fantasio et Spirou, toujours plus perplexes... sans plus.

Gaston, lui ne semble pas perturbé et vaque tranquillement à ses "occupations".




N'y tenant plus, Fantasio a été le premier à réagir par un mot aux lecteurs. Et alors s'est déroulé le dialogue historique entre Spirou et Gaston, ci-contre.

Un dialogue qui semblerait avoir été inspiré d'un fait réel. L'explication vous est donné dans la page Jidehem.

A noter que Franquin prenait toujours son inspiration dans la réalité, notamment dans Spirou et Fantasio en ce qui concerne ses personnages.

Mais vous en saurez plus dans la rubrique Spirou et Fantasio.




IL EXAGERE !

UN ARTICLE INDIGNE DE NOTRE AMI FANTASIO

N-I, ni, c'est fini. On en a assez. On ne veut plus en entendre parler. IL EST TROP BETE !

Vous avez immédiatement deviné de qui je voulais parler. Il s'agit, bien entendu, de notre Innocent Public n° 1, du Héros-sans-Emploi, bref, en un mot, de Gaston l'abominable. La semaine dernière, on l'avait chargé de l'entretien des extincteurs. On ignore encore aujourd'hui comment il a fait son compte, mais il est parvenu à y mettre le feu, cet empaillé !

Aussi, maintenant, la rédaction tout entière lui a-t-elle demandé de se tenir tranquille. De ne plus toucher à rien. DE NE PLUS TRAVAILLER ! Et regardez... Non mais, regardez à quoi il s'amuse... Des châteaux de cartes ! Voilà bien la preuve d'un esprit qui... euh... que... Bon. Je préfère me taire. Je finirais par médire de ce vaseux anthropoïde...

Enfin, il nous fichera la paix !

Fantasio.

Très vite, Fantasio s'est senti emporté par une animosité irraisonnée envers ce personnage mou, aux réflexes lents de dinosaure, qui causait des catastrophes ou, au mieux, perdait son temps ainsi que le montre l'exemple ci-dessous :




Qui se souvient du Fantasio des tout débuts ? Le Fantasio hirsute, emporté, l'oeil égaré, vêtu d'un peignoir en lambeaux recouvert d'as de pique ?

N'est-il pas normal que le Fantasio devenu sage, cravaté, responsable de la rédaction, soit incapable de tolérer des bêtises dont, quinze ans auparavant, c'est lui, Fantasio, qui aurait été responsable ?




Toutes les marges d'un numéro du journal étaient garnies de souris minuscules. La raison ? Ci-dessous...

Encore un flagrant délit d'inspiration de la réalité : Franquin lui-même a fait à ses parents, il y a bien longtemps, ce gag des souris qu'il prête à Gaston dans un de ses albums.




Gaston introduisait dans la rédaction de Spirou un mauvais genre : moto ou flipper sont des passe-temps pas très convenables...

A se demander comment il s'y prenait pour toujours réussir à surprendre tout le monde car personne ne remarquait jamais l'installation. Scénario habituel : Fantasio arrive le matin et découvre "l'objet".




Avec Gaston, il arrive souvent que l'effet soit montré avant la cause... L'explosion ci-dessous à gauche s'explique par le dessin illustré à droite.




Plus d'une fois, un incident dû à une maladresse de Gaston se prolongeait pendant plusieurs semaines. Par exemple, l'effrayant masque africain dans lequel il était resté coincé et qui l'avait obligé à se nourrir à la paille pendant près d'une semaine.

Ci-dessous un incident provoqué par une des célèbres lubies de Gaston, le bowling :




Depuis le jour de son arrivée, toutes les catastrophes étaient fatalement imputées à Gaston. Un peu logique non ? Ce qui avait le don de l'énerver quelquefois...

C'EST FAUX !!!

Ils vous diront que c'est de ma faute s'il n'y a qu'une page des Aventures de Spirou dans ce numéro, que j'ai égaré les dessins... et patati et patata...

NE LES CROYEZ PAS !!! Ce serait trop facile, à la fin, de m'accuser chaque fois qu'on commet une gaffe !

Je vais vous dire, moi, ce qui s'est passé : Franquin s'est trompé dans sa numérotation ! Il a simplement oublié de dessiner la page 18 B du Voyageur du Mésozoïque ! Voilà !
Je n'y suis pour rien, moi, s'ils ont des dessinateurs qui ne supportent pas la canicule !

(signé) GASTON.




Certains collectionneurs vendraient leur mère pour obtenir le petit bouquin dont la couverture était illustrée par le gaston allongé ci-dessous :

A l''époque, M. Boulier disait : "Cet album ne se vendra jamais. Trop petit, mal présenté, et d'ailleurs personne ne peut s'intéresser à un anti-héros. M. Franquin ferait mieux de se consacrer aux aventures de Spirou, voilà un bon personnage...".

Pourtant c'était le temps où la fantaisie dans l'édition était encore permise. Ce petit album avait été imprimé sur des rebuts de papier, personne n'a jamais su à combien d'exemplaires. Les libraires, voyant arriver cet objet étrange, se sont posés des questions. Il y en a au moins un, croyant qu'il s'agissait d'une prime gratuite, qui l'a distribué à tous ses acheteurs...

Aujourd'hui payé à prix d'or par des fanas fadas (2.500 F français à l'Argus 83-84...), ce petit recueil n'a connu à sa sortie aucune publicité.




Gaston avait un don pour cultiver l'art de se détendre. Il savait aussi profiter de la moindre opportunité. En voici deux exemples ci-dessous :




Ce qui devait arriver, arriva. Mais je laisse Fantasio vous l'exprimer à sa façon :