O'Gringo - Bernard Lavilliers : 1980


Notre grand voyageur a fait fort encore une fois. Cette fois, il nous embarque de "Rock City" dans une Salsa souple et sensuelle, pour nous entraîner du côté de Rio de Janeiro, puis au coeur du Sertão et j'en passe... pour finir en beauté avec un morceau de Léo Ferré.

Composition de l'album : "Rock City", "La Salsa", "Traffic", "O'Gringo", "Sertão", "Attention fragile", "Pierrot la lame", "Stand the Ghetto", "Kingston", "Est-ce ainsi que les hommes vivent ?" de Léo Ferré.

Difficile de choisir mais finalement j'opte pour les paroles du dernier morceau de l'album, "Est-ce ainsi que les hommes vivent ?" :

Tout est affaire de décor
Changer de lit, changer de corps
A quoi bon puisque c'est encor
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j'ai cru trouver un pays.

Coeur léger, coeur changeant, coeur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes jours ?
Que faut-il faire de mes nuits ?
Je n'avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meurs
Je passais comme la rumeur
Je m'endormais comme le bruit.

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les suivent...

C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle ?
Moi si j'y tenais mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien.

Dans le quartier Hohenzollern
Entre la Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient les seins de Lola
Elle avait un coeur d'hirondelle
Sur le canapé du bordel
Je venais m'allonger près d'elle
Dans les hoquets du piano, là

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les suivent...

Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer, Maria Rilke.

Elle était brune et pourtant blanche
Ses cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche
Elle ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faïence
Et travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence
Qui n'en est jamais revenu.

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les suivent...

Il est d'autres soldats en ville
Et la nuit montent les civils
Remets du rimmel à tes cils
Lola qui t'en iras bientôt
Encore un verre de liqueur...

Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton coeur
Un dragon plongea son couteau

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les suivent...
Comme des soleils révolus."

Léo Ferré.